Nous accusons l’UE et les États membres - GITSI 31/10/ 2018

Lors de la session du Tribunal des peuples tenue à Paris, les 4 et 5 janvier 2018, le Gisti avait été chargé de rédiger l’acte d’accusation et d’y représenter le ministère public.

Lors de la session du Tribunal des peuples tenue à Paris, les 4 et 5 janvier 2018, le Gisti avait été chargé de rédiger l’acte d’accusation et d’y représenter le ministère public. L’exercice visait à démontrer que l’Union européenne et les États qui la composent violent de façon manifeste les libertés et droits fondamentaux au nom d’une politique d’immigration et d’asile prétendument maîtrisée et inéluctable, alors qu’elle est pourtant condamnée par nombre de textes internationaux. Nous ne reproduisons ici que les propos introductifs de cette longue accusation, argumentée et illustrée par des éléments factuels récents, ainsi qu’un résumé, en encadré, des principales violations constatées, caractérisant la responsabilité de l’Union et des États membres.

 

Si la liberté de circulation transfrontalière n’est pas garantie en tant que telle par le droit international conventionnel ou coutumier, les restrictions apportées à l’exercice de cette liberté ne sauraient aboutir à priver d’effet les droits fondamentaux dont les migrants sont titulaires et qui sont bel et bien garantis par des principes généraux ou des règles précises du droit international. Dans son observation générale n° 15 sur la situation des étrangers au regard du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l’Homme rappelle :

« 7. Les étrangers ont ainsi un droit inhérent à la vie qui est juridiquement protégé, et ne peuvent être privés arbitrairement de la vie. Ils ne doivent pas être soumis à la torture, ni à des traitements ou peines inhumains ou dégradants ; ils ne peuvent pas non plus être réduits en esclavage ou en servitude. Les étrangers ont droit sans réserve à la liberté et à la sécurité de la personne. S’ils sont légalement privés de leur liberté, ils doivent être traités avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à leur personne. […] Ces droits des étrangers ne peuvent faire l’objet que des limitations qui peuvent être légalement imposées conformément au Pacte. »

Et si le Pacte ne reconnaît pas aux étrangers le droit d’entrer sur le territoire d’un État partie ou d’y séjourner, il n’en reste pas moins que : « Dans certaines situations, un étranger peut bénéficier de la protection du Pacte même en ce qui concerne l’entrée ou le séjour : tel est le cas si des considérations relatives à la non-discrimination, à l’interdiction des traitements inhumains et au respect de la vie familiale entrent en jeu. »

Or, précisément, les barrières que les politiques migratoires européenne et nationales fondées sur la fermeture des frontières dressent devant les migrants ne menacent pas seulement leur liberté de circulation mais entraînent la violation d’autres libertés et droits fondamentaux : le droit de chercher asile pour échapper à la persécution, le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, la liberté individuelle qui implique le droit de ne pas être arbitrairement détenu ou encore le droit à la vie.

Politique commune

Depuis le traité d’Amsterdam, les compétences de l’Union européenne incluent le contrôle des frontières extérieures ainsi que la mise en place d’une politique commune d’asile et d’immigration.

Dès le sommet de Séville, en juin 2002, les États membres ont décidé d’accorder « une priorité absolue » aux mesures contenues dans le « Plan global de lutte contre l’immigration clandestine ». De fait, la très grande majorité des textes adoptés et des mesures prises par l’Union concernent la lutte contre l’immigration illégale et la politique d’asile, elle-même influencée par l’obsession du contrôle des frontières. Si l’un des objectifs fondamentaux de l’UE – rappelé encore par le traité de Lisbonne signé en 2007 – est d’offrir aux citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, ses frontières externes doivent être encore mieux surveillées, conformément à la logique de Schengen. Les migrants, toutes catégories confondues, sont considérés comme la source de risques auxquels il faut parer, ce qui justifie la sévérité des mesures dissuasives ou répressives prises à leur encontre.

 

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Extrait du Plein droit n° 118 
« Politique migratoire : l’Europe condamnée »

(octobre 2018, 10€)