France - Précarité en miroir au guichet de l’État social - mars 2017

Avec la mise en place de la CMU, l’assurance maladie s’est vu confier une nouvelle mission : l’assistance, soit la prise en charge de bénéficiaires non cotisants.

Article extrait du Plein droit n° 112

Pascal Martin
Sociologue, Centre d’études de sociologie et de science politique – Centre de sociologie européenne (CESSP-CSE), EHESS

 

Avec la mise en place de la CMU, l’assurance maladie s’est vu confier une nouvelle mission : l’assistance, soit la prise en charge de bénéficiaires non cotisants. Pour faire face à l’arrivée de ces publics précaires, «  étrangers  » ou perçus comme tels, à ses guichets, sans obérer la «  performance économique  » de ce service public devenu «  gestionnaire  », le choix a été fait de sous-traiter l’assistance à des opérateurs privés. Avec des conséquences sur l’emploi et le service.

 

La mise en place en 2000 de la couverture maladie universelle [1] (CMU) a réactivé la logique d’assistance, fondée sur l’examen des conditions de ressources, et a confronté l’assurance maladie à un nouveau public en grande partie étranger ou perçu comme tel. Sa prise en charge requiert des moyens et des disponibilités qui s’accordent difficilement avec la logique d’évaluation managériale déployée dans les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). En effet, la « qualité » du traitement est assimilée à la brièveté de l’entretien à l’accueil, indépendamment de la résolution du dossier. La nouvelle mission d’assistance d’État qui incombe à l’assurance maladie s’enchâsse dans la routinisation de la « gestion du risque » et de la « lutte contre les fraudes ». Enfin alors qu’ils prétendent favoriser l’accès au droit pour tous, les plans triennaux (conventions d’objectifs et de gestion) déclinés localement se traduisent par des restructurations qui réduisent inexorablement le nombre de points d’accueil de l’assurance maladie.

À partir d’un travail ethnographique mené dans une CPAM et des structures médico-sociales d’un département francilien, ce texte rend compte du processus de précarisation consubstantiel de la réforme néolibérale qui se targue de faciliter l’accès au droit des populations précaires et de « moderniser » l’institution.

Dans un premier temps, ce processus se caractérise par l’homologie de précarité entre les populations éligibles à la CMU ou à l’aide médicale d’État (AME) et les nouveaux agents de l’assurance maladie, « exclus de l’intérieur [2] » assignés à l’accueil des usagers. Le directeur de la CPAM prescrit d’ailleurs qu’il y ait « proximité » entre le profil des nouvelles recrues et l’extranéité de ces nouveaux usagers. En outre, les dirigeants de l’organisme tendent à externaliser le dispositif d’accueil d’assistance d’État, parce qu’il bénéficie à de « mauvais » pauvres, représentés par la figure de l’étranger abusant des aides de l’État social, et qu’il entrave les « performances » chiffrées de l’accueil. Une opération menée au prix et au mépris de la précarisation des agents de l’État social affectés – car perçus comme pré(dis)posés – à l’accueil des précaires étrangers « assistés », pensés comme illégitimes à bénéficier du régime de droit commun. (...)

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Extrait du Plein droit n° 112 
« Travailleurs sociaux précarisés, étrangers maltraités »

(mars 2017, 10€)

 

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