Calais - Mineurs isolés : la maltraitance d’État condamnée - GITSI 1er mars 2019

La France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme à verser 15.000 euros à un jeune Afghan pour l’avoir laissé à l’abandon pendant près de six mois dans la "jungle" de Calais, entre septembre 2015 et mars 2016. Âgé de onze ans à son arrivée dans ce bidonville de plusieurs milliers de personnes, cet enfant n’a bénéficié d’aucune aide des autorités françaises pendant cette période, ni des services du département en charge de la protection de l’enfance, ni de ceux de l’État, Parquet, forces de police et de gendarmerie .

Rappelons que les enfants étrangers en situation d’isolement sur le territoire français ont droit à une protection au même titre que tous les autres enfants en danger.

Première circonstance aggravante, la cabane dans laquelle il avait trouvé refuge à son arrivée a été détruite lors de l’expulsion des habitant·e·s de la zone sud de la « jungle », en février 2016, sans qu’aucune solution d’hébergement ne lui soit offerte, alors qu’on était en plein hiver. Il venait d’avoir douze ans.

Seconde circonstance aggravante, cet enfant avait fini par obtenir, avec l’aide du Centre des femmes et enfants et de la Cabane Juridique, une mesure de protection ordonnée par le juge des enfants. Cette décision de justice n’a jamais été respectée ni même n’a connu un début de mise en œuvre. Pour sa défense, l’État français a soutenu que l’inexécution de cette mesure judiciaire était de la responsabilité de l’intéressé lui-même, qui aurait dû effectuer les démarches nécessaires à sa prise en charge. La Cour a écarté ce misérable argument en lui rappelant qu’il s’agissait d’un enfant étranger isolé de douze ans, « c’est-à-dire d’un individu relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société ».

Aujourd’hui en France, il faut donc aller jusqu’à saisir une juridiction internationale pour faire sanctionner des violations aussi graves et flagrantes du droit, commises régulièrement par l’administration. Et si un enfant maltraité a obtenu, cette fois, une réparation pécuniaire, qu’en est-il de toutes celles et ceux, expulsé·e·s de la même manière depuis 2016 et aujourd’hui quotidiennement à Calais, Grande-Synthe et sur le littoral, qui continuent de subir des traitements inhumains et dégradants ?

Alors que nous sommes toujours en période de trêve hivernale, à Calais, plus d’une centaine de jeunes sont triés au faciès à l’entrée des hébergements d’urgence et à Grande-Synthe, les mineurs ne peuvent même pas prétendre à une mise à l’abri dédiée. Plus d’une cinquantaine d’entre eux, en attente d’une évaluation du département, dorment chaque soir à même le sol dans un gymnase avec plus de deux cents adultes exilé·e·s.

Pour que cette condamnation internationale ait tout son sens, pour qu’elle sonne le glas de l’impunité pour l’État français, il faudrait rien moins qu’une volonté politique de respecter l’esprit et la lettre de décisions qui rappellent que la dignité des personnes doit l’emporter sur toutes autres considérations.

Gageons que l’État français en prendra acte, au risque sinon d’être exposé à de nouvelles plaintes que nous continuerons à soutenir.

Le 1er mars 2019

Signatures :

  • La Cabane juridique
  • Gisti

 

  • Arrêt CEDH du 28 février 2019