Mayotte - Expulsions à plein régime et enfermements illicites de personnes étrangères : l’impasse ! - GITSI 26/03/2018

Échos de Mayotte du 13 au 25 mars 2018

Expulsions à plein régime et enfermements illicites de personnes étrangères : 

l’impasse de la politique du gouvernement à Mayotte

13 mars 2018 : dans l’espoir de calmer la colère des manifestants mahorais, la ministre des Outre-mer prend douze engagements au nom du gouvernement dont sept sur la "lutte contre l’immigration clandestine" désignant, une fois de plus, l’étranger comme responsable de tous les maux.

17 mars : chasse à l’homme (« décasage ») organisée par un collectif habitants du nord de Mayotte

La machine à expulser à plein régime

Une course effrénée aux expulsions est lancée. Des camions de gendarmerie sont postés un peu partout sur l’île. Des bus scolaires sont réquisitionnés et affrétés pour transporter les personnes interpellées.

La préfecture de Mayotte organise des rafles et des interpellations de masse de personnes, suivies de placements en rétention et d’expulsions en direction des Comores avec de multiples violations des droits.

En huit jours, plus de 800 expulsions.
Le 22 mars 2018, 147 personnes étaient en rétention.

  • Sont enfermés des parents d’enfants français, des conjoints de français depuis presque dix ans, des mineurs… qui détenaient souvent au moment de leur interpellation des documents justifiant leur situation. Faut-il rappeler que toutes ces personnes sont protégées par la loi contre l’expulsion ?
  • Mais aussi des personnes qui ont effectué des démarches pour renouveler leur titre de séjour. Si le récépissé de demande de titre de séjour de certaines d’entre elles n’était plus en cours de validité, c’était en raison de la fermeture depuis presque un mois du service en charge du renouvellement des titres de séjours de la préfecture de Mayotte.
  • Cet acharnement entraîne des placements en rétention en violation totale avec les conventions internationales notamment au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant :
    19 mars, interpellation d’une mère d’un nourrisson de quatre mois de nationalité française. Pour qu’elle puisse l’allaiter, le nourrisson a dû être amené auprès d’elle dans le centre de rétention administrative ;
    20 mars, interpellation et placement en rétention de deux mères de famille accompagnées par leur enfant français alors même qu’elles disposaient des cartes nationales d’identité française de leurs enfants.

21 de ces personnes ont eu la chance d’avoir pu déposer un recours gracieux et 19 d’entre elles ont été libérées. 
Et les autres ? Combien ont été expulsées malgré leurs liens (familiaux ou privés) avec le département, malgré une scolarité en cours ou malgré une maladie ? 
Toutes l’ont été dans le cadre d’expulsions collectives et hâtives au mépris de leurs droits fondamentaux.

96 personnes dont 24 enfants privées de liberté dans une zone d’attente improvisée

21 mars : une circulaire du gouvernement comorien interdit aux bateaux et avions l’embarquement des personnes considérées par les autorités qui administrent Mayotte comme en situation irrégulière, jusqu’à nouvel ordre.

Le même jour le Gombessa, navire transportant 96 personnes (72 adultes et 24 enfants) renvoyées de Mayotte vers l’île d’Anjouan, est interdit d’accès au port de Mutsamudu (Anjouan).

22 mars, 18H30 : les 72 adultes se voient délivrer un refus d’entrée à Mayotte et de maintien de zone d’attente.

24 mars : le commissaire divisionnaire de la police aux frontières (PAF) demande au juge des libertés et de la détention (JLD) une prolongation du maintien en zone d’attente au delà du 26 mars à 18H30. On y apprend que les personnes ont été baladées dans plusieurs lieux, "zones d’attente" improvisées.

Pour la PAF le maintien du placement en zone d’attente est motivé par "l’urgence et la sécurité à garantir des personnes en situation irrégulière compte tenu des du climat social, des risques encourus et des actions de décasage envers les ressortissants comoriens effectués dans le nord de l’île de Mayotte".

25 mars : audiences en série du JLD. Le maintien en zone d’attente est dans la plupart irrecevable pour illégalité de la notification.

Aussitôt l'une ce ces décisions, le procureur déclare faire appel et demande un effet suspensif (le maintien en zone d’attente jusqu’à l’audience de la cour d’appel).
A l’appui de cet appel aucun élément relatif à la décision contesté.

Le procureur se réfère, comme la PAF, "au risque de l’ordre public et au risque de représailles sur sa personne" et au fait que "la population se livre à une véritable « chasse » afin d’intercepter les étrangers et les remettre aux service d’enquête" ; enfin "la libération d’étrangers en situation irrégulière risque d’embraser une situation déjà très tendue et laisse craindre des risques sur la [leur] personne".

 

Après avoir adopté une réponse à la crise de Mayotte qui entretient la désignation de l’immigration comme bouc émissaire de toutes les difficultés sociales du département, les autorités justifient un enfermement illégal de masse par la nécessité de protéger les personnes étrangères des risques qu’elles encourent d’être exposées aux violences d’une partie de la population.

L’État de droit est bafoué à Mayotte et la politique du gouvernement conduit à la pire des impasses.

Lundi 26 mars 2018

Collectif Migrants outre-mer

www.migrantsoutremer.org

Retrouvez ce texte et les documents qu'il mentionne en ligne : 

http://www.migrantsoutremer.org/Expulsions-a-plein-regime-et-enfermements-illicites-de-personnes-etrangeres