L’urgence sociale à l’épreuve du non-recours - Article extrait du Plein droit n° 106

Alors que tout un arsenal juridique est venu, au cours de ces dernières années, encadrer le champ de l’urgence sociale, le nombre de personnes sans abri ou sans domicile, parmi lesquelles une forte pr

Article extrait du Plein droit n° 106 

L’urgence sociale à l’épreuve du non-recours

Julien Lévy
Sociologue, doctorant université Grenoble Alpes, UMR PACTE, Sciences Po Grenoble, membre de l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) et de l’association le Relais Ozanam


 


Alors que tout un arsenal juridique est venu, au cours de ces dernières années, encadrer le champ de l’urgence sociale, le nombre de personnes sans abri ou sans domicile, parmi lesquelles une forte proportion d’étrangers, ne décroît pas. L’analyse par le non-recours montre que l’affirmation politique et la reconnaissance juridique d’un droit se heurtent aux conditions concrètes de sa mise en œuvre.
 

Un certain nombre de personnes sans abri, de manière subie ou volontaire, ne recourent pas aux services d’hébergement ou de logement. Dans un travail de recherche en cours [1], nous nous intéressons tout particulièrement aux points de vue de ceux que l’on qualifie généralement de «  grands exclus  » ou «  grands précaires  » afin de comprendre comment ils perçoivent l’offre publique d’hébergement et tenter ainsi de voir en quoi les (non-)relations qu’ils entretiennent avec les différents dispositifs qui composent le secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion (AHI) nous informent sur l’organisation de cette offre. En 2012, on comptait 81 000 adultes sans domicile, dont 45 000 étaient nés à l’étranger. 31 000 enfants étaient également recensés, dont 77 % accompagnaient des personnes de nationalité étrangère  [2].

Le non-recours renvoie à toute personne qui – en tout état de cause – ne bénéficie pas d’une offre publique, de droits et de services, à laquelle elle pourrait prétendre  [3]. Cette problématique du non-recours, si elle n’est pas nouvelle, n’émerge que depuis peu de temps comme un enjeu dans le champ de l’hébergement. Si le fait de se détourner de l’offre publique peut avoir pour conséquence d’entériner un diagnostic de marginalité par les intervenants sociaux, ces comportements nous invitent à interroger tout à la fois les rationalités individuelles à l’œuvre dans ce qui peut parfois prendre la forme d’une mise à distance d’une partie de l’offre publique, mais également à observer la manière dont fonctionnent et s’articulent les dispositifs au sein d’un champ de prise en charge en pleine redéfinition. En ce sens, l’approche par le non-recours permet de rendre compte de certaines limites et contradictions qui traversent le champ de l’hébergement dans son ensemble, et de s’interroger sur la réalité de ce qui est désormais un « droit à l’hébergement ».

Alors qu’au cours des années 1990, l’urgence sociale s’était « mise en place comme un ensemble de dispositifs a-juridiques, qui entérine des modes de prise en charge dérogatoires, sous la férule étatique [4] », l’action retentissante des Enfants de Don Quichotte, en 2006, marque un tournant à la suite duquel un processus de juridicisation va s’enclencher. (...)

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Extrait du Plein droit n°106
  « Droits entravés, droits abandonnés »

(Octobre 2015, 10€)



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