France - Les «  étrangers de l’intérieur  » - Plein droit n°117

Article extrait du Plein droit n° 117

Les «  étrangers de l’intérieur  »

Nicolas Klauser
Doctorant en droit public, université Paris Nanterre, Credof
 
 

Le droit des étrangers est souvent considéré comme le laboratoire du droit commun en France, notamment pour ce qui concerne ses dispositions les plus coercitives. Cette assertion se vérifie une nouvelle fois avec l’adoption de l’état d’urgence puis l’évolution du code de la sécurité intérieure. Les techniques de contrôle des étrangers y ont été recyclées reléguant les personnes ciblées au rang d’« étrangers de l’intérieur » [1].

 

Si l’état d’urgence a été utilisé à des fins de contrôle migratoire, que ce soit lors du démantèlement de la jungle de Calais ou lors des multiples contrôles d’identité ainsi rendus possibles [2], le processus inverse s’est également produit : le droit des étrangers a été utilisé à des fins de contrôle dans le cadre de l’état d’urgence. Le droit des étrangers est en effet souvent considéré comme un laboratoire pour le droit commun : sont appliqués aux ressortissants étrangers des dispositifs juridiques qui pourraient l’être ensuite aux ressortissants nationaux. L’application de l’état d’urgence [3] du 14 novembre 2015 au 31 octobre 2017, et l’évolution du code de la sécurité intérieure depuis [4], en sont de parfaits exemples : afin de contrôler les personnes considérées comme représentant une menace pour l’ordre et la sécurité publics, les autorités ont recyclé des techniques de contrôle des étrangers. Ce sont plus particulièrement deux d’entre elles qui ont été reconverties : l’assignation à résidence et l’usage des « notes blanches » des services de renseignement. Certains parlementaires ont souhaité pousser le recyclage jusqu’au placement en rétention administrative des personnes « fichées S », mais le Parlement n’est pas allé jusque-là [5].

La possibilité d’assigner à résidence une personne étrangère faisant l’objet d’une mesure d’expulsion existe depuis longtemps. Initialement prévue à l’article 28 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, elle figure aujourd’hui aux articles L. 561-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). En résumé, cette procédure permet à l’administration d’assigner à résidence une personne faisant l’objet d’une mesure d’éloignement dont l’exécution ne peut, pour diverses raisons, être immédiate. La personne doit alors se présenter périodiquement auprès des autorités (les « pointages »), jusqu’à ce que la mesure d’éloignement ait cessé de produire des effets, du fait de son exécution, de son abrogation ou de son annulation.

Le même régime a été appliqué durant l’état d’urgence aux personnes à l’égard desquelles l’administration estime qu’il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics, et s’applique actuellement sous l’égide de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), qui lie davantage la menace à une activité terroriste. L’assignation à résidence servirait ainsi à lutter contre le terrorisme, en neutralisant la menace que représentent ces personnes qui, devant pointer plusieurs fois par jour au commissariat et ne pouvant quitter la commune où l’assignation est exécutée, se savent désormais dans le viseur des autorités et seraient donc dans l’incapacité de mener à bien leur projet [6]. (...)

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Extrait du Plein droit n° 117 
« Étrangers en état d’urgence »

(juin 2018, 10€)

 

 

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